(article paru dans La Nouvelle République – 21/07/2019 – auteur : Vincent BUCHE)
« La Boivre, sur ses 46 km de cours, rassemble paysages, grottes et souvenirs de l’activité humaine. Cette humble rivière, autrefois navigable, entre parfois en fureur.
La Boivre, modeste affluent du Clain, prend sa source en Deux-Sèvres, non loin de Mouton-Village (Vasles) mais disparaît rapidement pour ne resurgir qu’à son entrée dans le département de la Vienne, au lavoir de Benassay. Elle suit ensuite, jusqu’à Poitiers, son cours semé de monuments médiévaux (château de Montreuil-Bonnin, XIe siècle ; abbaye du Pin, 1120…)
Il y a belle lurette, hélas, qu’on n’a plus vu un castor* (bièvre en ancien français) dans les eaux de la Boivre, qui leur doit son nom. Mais les écrevisses (pour la plupart américaines), les brochets et les truites y abondent, faisant de cette rivière l’un des sites préférés des pêcheurs, notamment du côté de la Chapelle-Montreuil.
Une Boivre désormais propre et assagie. Au cœur de l’été, la Boivre n’est plus qu’un mince filet d’eau qui serpente au cœur d’une végétation luxuriante. On a peine à croire qu’en 1192 les Hospitaliers de Saint-Jean aient implanté leur commanderie à Lavausseau notamment parce qu’ils voulaient gagner Poitiers en bateau ! Ce qui est sûr, c’est que quand elle veut s’en donner la peine, la Boivre sait se transformer en furie aquatique. Régulièrement, jusqu’à ce que l’homme ces dernières années s’efforce de dominer son cours amont, elle s’est ingéniée à inonder Poitiers, et notamment sa gare : en 1936, en 1995 et surtout lors de la crue centennale de 1982 qui a vu la circulation des trains entre Paris et Bordeaux paralysée de nombreux jours.
Mais il n’a pas fallu attendre le virage du siècle dernier pour que l’homme songe à dominer la Boivre, après que celle-ci eut façonné son paysage, en particulier les grottes de la Norée, aux portes de Poitiers. A une date que les trop rares recherches archéologiques n’ont pas permis encore de déterminer, on a commencé à tanner très tôt sur ses rives.
Le premier témoignage écrit remonte à 1600. On ignore si le canal d’amenée d’eau aux tanneries existait déjà mais peu de temps après, nous rapportent les archives judiciaires, les lavandières de Lavausseau intentaient un procès aux tanneurs qui avaient relâché leurs eaux polluées dans la rivière en dehors des dates autorisées.
Un fait divers qui ne risque plus d’arriver : il n’y a pas plus de lavandières sur la Boivre que de castors ; les cours d’eau sont heureusement protégés par les lois sur l’environnement imposant des usines d’épuration. Lesquelles lois ont conduit voici quatre ans la dernière tannerie, appartenant à Yves Carbonnier, à fermer définitivement ses portes.
Désormais la Boivre est propre ; elle est paisible ; mais ce n’est plus tout à fait la même Boivre. »
* Le Castor est revenu ! Traces de sa présence confirmé en 2020